Par Abderrahmane Lamrani*
Si je me hasarde à faire une lecture symptomatique (pour employer un concept althusserien) de notre passé ,disons de ces six dernières décennies (je mets de côté les premières années de l’independence ) je dirais que nous avons vécu en fait -toutes proportions gardées -une alternance non pas entre la gauche et la droite, chacune des deux familles politico-idéologiques cherchant à appliquer leurs programmes de manière directe , soutenue et non équivoque, mais plutôt une alternance des périodes.
Des périodes était caractérisées par un trop plein de politique, qui faisait l’ombre aux acteurs et aux dynamiques économiques, et d’autres périodes où l’on a vu une quasi domination de la technocratie, où celle-ci avait pris le dessus, laissant très peu de place à la volonté ou au volontarisme politique .
C’est une alternance difficilement conceptualisable dans les termes et les catégories de la science politique en vogue. Aussi la dichotomie weberienne (de Max Weber) mettant l’accent sur la différence de nature entre l’ethique de la conviction et l’ethique de la responsabilité, ne paraît pas applicable à notre contexte .
Le résultat est que nous avons, les uns et les autres, intériorisé ces deux valeurs ou attentes jumelles, distinctes mais ayant les mêmes « side effects » négatifs, à savoir : ou bien trop attendre de la politique comme si l’activisme politique était générateur de facto de richesses et de bien-être, ou bien tout attendre d’une technocratie n’ayant d’autres prétentions ou préférences plus chères que celles de marginaliser la politique et le politique.
Apres tant d’années et d’expériences, et avec un peu de recul, et alors que le débat sur le nouveau modèle de développement prend des dimensions de plus en plus importantes , il est vraiment temps de se rendre à l’évidence suivante : trop de politique tue l’économie, mais trop de technocratie ou d’esprit technocratique annihile l’imagination créatrice.
La juste mesure est plus qu’une question de forme ou de style .
Abderrahmane Lamrani, Politologue, Universitaire et ancien Député et Dirigeant de l’USFP. Il est membre du CNDH