Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris, ce vendredi 13, un jour sensé porter chance, de vouloir vous écrire cette lettre que vous ne lirez peut-être jamais, car vous n’avez ni le temps ni la tête de lire les tant de lettres que vous avez reçues tout au long de votre mandat qui, hélas pour vous et tant mieux pour nous, va bientôt s’achever.
Ah oui ! Je crois que je sais pourquoi j’ai décidé de vous écrire : parce que vous allez bientôt plier bagages, à moins que ce ne soit déjà fait pour la plupart d’entre vous, qui profitez de cette fin d’exercice pour aller vous dorer la pilule quelque part au soleil de notre beau pays, le seul qui vous reste sous la main depuis que Sir Covid19 règne en maître absolu sur les frontières du monde entier.
Puisque je suis sûr que vous avez envie de rempiler pour la énième fois, et puisque la date des nouvelles élections est pour très bientôt, vous devriez normalement être sur le front, en pleine campagne pour gagner un ou plusieurs nouveau(x) sièges dans les futures instances. Mais vous allez sûrement me rétorquer qu’il n’y aura pas de campagne, d’abord parce que vous n’en avez pas besoin, mais également parce que Sir Covid19 vous a facilité la tâche. Comme quoi, les virus, ça aussi des bons côtés.
Et à ce propos, grâce à ce virus bienfaisant, vous avez passé une bonne partie de votre mandat loin des lieux de votre travail “d’élu(e)s de la nation”, bien confortablement installé(e)s chez vous, à vous occuper de vos propres affaires parce qu’après tout, rien ni personne ne vous oblige à vous occuper de celles des autres.
C’est vrai que ces longues absences régulières ou sporadiques ne dépendaient pas de vous, mais du bon vouloir de Sir Covid19, mais avouez que ça vous arrangeait bien. Déjà, en temps normal, c’est-à-dire avant que ce coupable ne soit désigné par tout le monde comme le responsable de nos maux passés et à venir, vous ne brilliez pas trop par votre assiduité et votre constance.
Bon, parlons de l’essentiel. Franchement, est-ce que vous êtes capables de me regarder dans les yeux, et à travers moi, tous ceux et toutes celles qui vous ont fait confiance et voté pour vous – ou pas – et me dire, sans rougir, sans trembler, sans pleurer et sans rire, que vous avez la conscience tranquille des personnes qui ont fait tout ce qu’il fallait en tant qu’élu(e)s ?
Comme je sais que ce que je vous demande – me regarder dans les yeux – est bien au-dessus de vos moyens, est-ce qu’alors, au-delà de votre lâcheté génétique et votre suffisance chronique, vous seriez capable juste de vous regarder dans la glace, rien que vous, tout seul ou toute seule, loin du regard des autres, y compris de vos proches qui, eux, savent très bien ce que vous faites et ce que vous valez, et vous demander si vous avez accompli votre mission d’élu(e) comme il se doit, c’est-à-dire avec dévouement et abnégation, en tenant toutes vos promesses de campagne, notamment celles de faire notre bonheur et celui de nos enfants ?
Hein ? Qu’est-ce que vous répondez ? Rien !
Je le savais. Et c’est pour cela que je ne n’ai pas voté pour vous, ni d’ailleurs pour personne d’autre. Pourtant, je vous assure que je l’ai parfois regretté. J’ai même culpabilisé parce que je me suis dit, comme tant d’autres de mes ami(e)s, que notre éloignement constant des bureaux de vote et notre dégout conscient des urnes, ne va pas arranger les choses, bien au contraire, parce qu’il laisse la voie libre aux ignares, aux nullards, aux minables et aux pourris. Je ne parle pas forcément de vous, mais de tant d’autres qui se reconnaitront.
Aujourd’hui, c’est-à-dire à la veille d’un nouveau rendez-vous, encore un des rendez-vous ratés de l’histoire, je m’interroge encore sur ce qu’il faut faire et sur ce que je dois faire.
En vérité, je n’ai pas l’embarras du choix, je n’ai même pas de choix du tout. Croyez-moi ou pas, je suis toute ouïe, et j’aimerais bien que quelqu’un ou quelqu’une d’entre vous, arrive à me convaincre de conjurer le sort et de jeter mon dévolu sur lui ou sur elle. Mais, quand je vous vois, presque tous et toutes, chanter les mêmes et éternelles chansons, usées et vieilles comme le monde, jurant vos Grands Dieux, presque tous et toutes, d’être à notre service pour le meilleur et pour le pire, en s’alliant avec vos meilleurs amis, ou en pactisant avec vos pires ennemis, là, je freine des 4 fers, et je crie : “qu’ils ou qu’elles aillent tous et toutes en enfer !” Tant qu’à faire, je préfère ne pas voter pour vous, ni pour personne, et être bouffé par les loups, que faire confiance à des bouffons et me faire dévorer par des moutons.
Voilà, je l’ai dit. Je ne vous salue pas. Adieu !
En attendant rien du tout, ni de vous ni de personne, je souhaite à tous mes amis et à toutes mes amies qui sont aussi paumé(e)s que moi un très bon weekend, et leur dis à la semaine prochaine pour un autre vendredi, tout est dit.
Mohamed Laroussi: Expert et Enseignant de la Communication stratégique. Il est aussi écrivain et auteurs de plusieurs livres dont « Marx est mort, mon amour ». Co-fondateur de la plateforme Analyz.ma