Par Mohamed LAROUSSI

J’en ai plus que pardessus la tête de parler ou d’entendre parler de maladie, de virus, de vaccin, et même de Aïd ou pas Aïd. Et si nous relevions le niveau. Et si nous élevions un peu plus le débat. Et si nous montions un peu plus haut. 

Les gens connaissent très peu les bienfaits de l’altitude. C’est vrai qu’elle donne parfois des maux de tête et des vertiges, mais c’est naturel, et ce n’est jamais trop grave. C’est comme lorsqu’on réfléchit, lorsqu’on pense, lorsqu’on essaye de comprendre. C’est rarement de tout repos. Mais, quand on arrive à comprendre, grâce à ce moment de réflexion ou juste d’observation, on se sent tellement heureux qu’on a envie de monter encore plus haut. 


C’est comme la culture. Contrairement à l’agriculture qui est plus à l’aise et plus productive quand elle est pratiquée au ras du sol, ou même plus bas encore, la culture, elle, a besoin de hauteur pour se développer. Que dis-je ? Elle est elle-même la hauteur qui élève, qui vous élève, qui relève votre niveau de jugeote, qui vous rend moins bête, plus futé, moins impulsif, plus pensant, moins violent, plus sage, moins égoïste, plus humain. 

La culture est la solution, disait l’autre. Elle n’est sûrement pas la solution à tous les problèmes des humains, mais elle est sûrement la solution la moins coûteuse et la moins douloureuse pour les rendre plus intelligents, et donc plus humains.
 

Ne me dites surtout pas, comme le répètent souvent les intellos que, justement, c’est pour cela que le pouvoir politique, et le pouvoir tout court, qui serait à court d’idées pour assurer le développement de son pays et l’épanouissement de son peuple, et qui choisirait systématiquement de prendre le contrepied de la culture pour mieux le soumettre et mieux l’asservir. J’ai encore la naïveté de ne pas le croire. Et si c’est vraiment le cas, je puis vous dire qu’il a tout faux, et qu’il verra un jour ou l’autre, tôt ou tard, qu’il avait tout faux. 


D’ailleurs, ce qui m’a inspiré aujourd’hui pour cette présente chronique, c’est le moment unique, magique, historique que le Maroc est en train de vivre grâce au cinéma, et donc, grâce à la culture. 
Depuis une dizaine de jours, tous les Marocains et toutes les Marocaines, y compris moi, l’anti-chauvin épidermique qui ne se cache même pas, nous sommes sur un petit nuage. Et depuis hier jeudi 15 juillet, je crois même que nous avons recommencé à rêver. 

Cannes ya ma Cannes !


En effet, le Maroc est au Festival le plus glamour et le plus lumineux du cinéma mondial, et pas seulement pour faire de la figuration plus ou moins intelligente comme cela a été souvent le cas auparavant. 

Non, cette année, il joue avec les grands et contre les grands. Le jeu de mots est sans doute facile, mais je vais l’utiliser quand même : le Maroc est monté très Haut. Il est en compétition, en sélection officielle, et ce grâce à un des cinéastes Marocains les plus brillants, pour ne pas dire le plus brillant de sa génération : Nabil Ayouch avec son film si bien nommé : “Haut et Fort”.

Hier soir, dès que j’ai vu les premières images de la vidéo que m’a envoyée un de mes amis qui était sur place, et qui montrait toute l’assistance, qui se compte en milliers, debout, après la projection, en train d’applaudir longuement et chaleureusement le film et son équipe, je me suis dit que si nos gouvernants ne comprennent pas encore aujourd’hui que c’est sur la culture qu’il faut miser pour nous sortir de la misère intellectuelle, et aussi, n’ayons pas peur de le dire, de la misère politique dans lesquelles nous sommes embourbés jusqu’au cou depuis plusieurs années, ils ne le comprendront jamais.

Ce que j’ai vu hier, et ce qu’ont vu beaucoup de mes concitoyens et de mes concitoyennes – parce que j’ai essayé de partager cette vidéo du mieux que je pouvais – est la preuve 1 – que nous ne sommes pas de simples consommateurs de la culture des autres et que nous sommes capables de produire également la nôtre; 2 – que nous pouvons arriver à un niveau de qualité de création aussi élevée que la leur; et enfin 3 – que nous avons le droit légitime de rêver non seulement de les égaler, mais aussi, pourquoi pas, rêvons encore plus, de les gagner. 

Parce que vous, voyez-vous, comme je le répète souvent, nous ne sommes pas un peuple stérile. D’ailleurs, il n’y a pas de peuple stérile, il n’y a souvent que des pouvoirs qui font tout pour empêcher leur(s) peuple(s) d’enfanter, de créer, de réaliser, et parfois juste de désirer ou d’aimer … Et comme ils ont tort !

Je rêve du jour où nous gouvernants comprennent enfin que lorsqu’un de nos citoyens ou une de nos citoyennes gagne un prix ou réalise une performance, ce n’est pas seulement bien pour l’image de notre pays, mais c’est aussi et surtout un déclencheur d’une nouvelle dynamique de confiance et de créativité pour nous tous et pour nous toutes.

Rêvons ensemble d’un prix pour Nabil et donc pour le Maroc, samedi à Cannes. Ça serait vraiment top pour le moral et pour le reste.

En attendant, je vous souhaite un très bon weekend, un très bon Aïd, et vous dis à la semaine prochaine pour un autre vendredi, tout est dit.