Depuis longtemps, au moins depuis l’indépendance, on nous a « vendu » que le Maroc se trouvait devant des paradoxes qui limitaient ses possibilités de transformation et imposaient la prudence, pour ne pas dire l’inaction et le conservatisme pur et dur.

Chaque fois que des choix tranchés devaient être faits, la complexité paradoxale des problématiques était mise en-avant : absolutisme ou démocratie, sujets ou citoyens, authenticité ou modernité, Etat ou Makhzen…

Mais qu’est-ce qu’un paradoxe ? On ne pourrait le limiter à un dilemme. Le paradoxe est un problème dont chaque solution possible entretient son caractère insoluble. Comme le paradoxe du menteur attribué à Eubulide de Mégare, philosophe grec du  VI e siècle av. J.-C. qui dit ceci :  » un jour, un crocodile s’empara d’un bébé qui jouait sur les bords du Nil. La mère supplia l’animal de lui rendre son fils:

  • Soit, répondit le crocodile. Si tu devines exactement ce que je vais faire, je te rendrai l’enfant. Mais, si tu te trompes, je le mangerai. 
  • Tu vas le dévorer ! S’écria la mère.- Je ne peux pas te le rendre. Car si je te le rends, tu te seras trompée et je t’ai prévenue que dans ce cas, ton fils sera dévoré.
  • Bien au contraire ! Tu ne peux pas le manger, car, si tu le fais, j’aurais dit la vérité et tu m’as promis que, dans ce cas, tu me rendrais mon enfant. Et je sais que tu es un honorable crocodile, respectueux de la parole donnée ».

Dans aucun des choix sociétaux que le Maroc doit faire, il n’y a ce caractère paradoxal. A chaque fois, il s’agit juste de trancher en faveur d’un modèle de société et d’une philosophie de gouvernement. Car, il est bien connu qu’il ne peut y avoir un iota de début de démocratie réelle et crédible tant qu’il y a un seul domaine où l’absolutisme s’exerce.

Il ne peut y avoir de citoyenneté pour des sujets éduqués et traités en tant que sujets. Il ne peut y avoir de synthèse entre authenticité et modernité, même si on crée 1000 partis qui en font l’amalgame. Il ne peut être question d’un État moderne tant que les passe-droits qui caractérisent le makhzen subsistent. N’en déplaise à Si Mohamed El Yazghi (avec tous mes respects).

J’ai trouvé cependant un parallèle avec le paradoxe du menteur. Et si on disait, comme la mère du bébé, à ceux qui ont nos sorts entre leurs mains : « vous allez garder Zefzafi en prison » … chercheront-ils à respecter leur parole comme l’a fait le crocodile du Nil ? Il faut préciser que dans l’histoire, on ne sait pas ce que fût le sort du bébé.

Pour sortir d’un paradoxe, faut juste trancher, puis advienne que pourra … Et si c’est en faveur de la démocratie, la citoyenneté, la modernité et l’État … c’est encore mieux.

Hassan ChraibiDocteur en Sciences de gestion et Consultant en Management et Gouvernance institutionnelle.