Je vous rassure d’emblée : cette chronique, malgré son titre, ne sera ni auto-flagellatrice ni sectaire. Bien au contraire, je voudrais aujourd’hui montrer que le Casablancais de coeur et de vie que je suis, et même si je me sens particulièrement maltraité, banni, méprisé, très injustement et très maladroitement, par les autorités, est parfaitement solidaire avec l’ensemble de la population marocaine qui n’est pas non plus mieux lotie.
Si j’ai décidé de prendre Casablanca comme exemple, c’est évidemment, suite aux dernières décisions prises, comme d’habitude, à la dernière minute, par les pouvoirs publics, et qui avaient décrété que non seulement il n’y aurait pas de rentrée scolaire normale, présentielle, comme ils l’avaient si joliment appelée eux-mêmes, et comme c’était prévu, chanté par leurs propres haut-parleurs, mais qu’en plus, le commerce dit de proximité devait cesser à 15h, les autres commerces fermer à 20 h, les restaurants baisser le rideau à 21h (!?!?), et la cerise insipide sur le gâteau pourri, tout le monde devait s’enfermer chez lui à 22h, couvre-feu oblige ! La totale , quoi !
Bien sûr, à partir du
moment où on vous lance dans la figure des “chiffres-record” qui concernent
votre ville, cela pourrait sembler tout à fait recevable. Sauf qu’il y a un
hic, et même plusieurs.
D’abord, sans mettre en doute la sincérité de ce chiffre spécialement élevé de
cas positifs (plus de 700 pour Casablanca), découvert, par hasard, juste la
veille d’une rentrée annoncée en grandes pompes, j’aurais aimé qu’on nous
explique pourquoi ce chiffre avait subitement sauté vers le haut alors que, un
jour avant, il était quasiment “normal” ( aux alentours de 400 et 500) ? Qui
pourrait également nous expliquer et surtout nous convaincre que 200 ou 300 cas
supplémentaires en un jour, dans une ville qui compte presque 4 millions
d’habitants, serait une grande catastrophe et une menace grave sur la santé et
la vie des Casablancais, au point de décider de presque tout fermer
? Vraiment, comme raisonnement, ça ne tient pas la route, ni sur un
plan logique, ni sur un plan scientifique.
Le second hic est aussi
illogique, voire pis que le premier.
On décide de fermer les écoles de Casablanca avant même de les avoir ouvertes.
Soit. On veut préserver la santé et la vie de nos enfants – oh qu’est-ce qu’ils
sont gentils ! – c’est bien, c’est même très bien, et on les remercie.
Maintenant, est-ce que monsieur le ministre de l’éducation
nationale, ou un de ses collègues du gouvernement qui décide tout et n’importe
quoi en notre nom avec tout le mépris qui nous est dû, pourrait m’expliquer
pourquoi et comment des enfants inscrits, par exemple, dans une école située à
Hay Hassani, et donc officiellement fermée, seraient-ils plus en danger d’être
contaminés par le Covid19, que leurs camarades, amis, cousins, voisins ou
autres qui eux, sont dans les écoles très normalement ouvertes de Hay Errahma,
à quelques dizaines de mètres de leur propre quartier. Je vous précise que ces
deux quartiers, même s’ils sont quasiment côte-à-côte, ne dépendent pas
administrativement tous les deux de la préfecture de Casablanca, le second,
lui, faisant partie de la commune de Dar Bouazza ou de Nouasser. C’est comme
ça, et on n’y peut rien. Sauf que de nombreux parents qui habitent Hay Hassani
et qui avaient inscrits, il y a a longtemps, leurs enfants dans certaines
écoles de Hay Errahma, font aujourd’hui, en toute légalité, mais sans doute pas
en toute immunité, des allers-retours quotidiens entre ces deux quartiers pour
amener leurs enfants à leurs écoles ou pour aller les chercher. Idem
pour Bouzkoura, où on va à l’école tranquillement, et les quartiers
Californie ou Sidi Maarouf, qui se trouvent à un jet de pierres, où enfants de
riches ou moins riches, sont obligés, les pauvres, de rester enfermés chez eux.
Cherchez l’erreur !
Je sais que nous
ne sommes pas à une aberration près dans ce pays, mais ce qui me révolte
personnellement, c’est que Casablanca n’est quand même pas n’importe quelle
ville. En plus d’être la capitale économique du Maroc, avec tout ce que cela
signifie comme concentration de moyens de production, d’emplois, de
finances, et autres. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais elle doit
être sûrement la ville où se trouve la plus grande densité d’établissements
scolaires et universitaires, et donc probablement la plus grande population
instruite et cultivée du Maroc. Obliger tout ce monde à se mettre en veilleuse,
même pour une cause qui pourrait sembler justifiée, sans aucune visibilité sur
la suite des événements, c’est la meilleure ou la pire des manières de pousser
tous les Casablancais, et avec eux, sans doute, tous les Marocains, à
s’interroger légitimement sur l’avenir de leurs enfants et sur leur propre
avenir dans ce pays qu’ils aiment, bien sûr, tous, mais dont ils ne
sont plus, presque tous, très sûrs.
En attendant de décider, enfin, un jour, à bouger et ne plus se contenter de
rouspéter, je vous souhaite un très bon week-end, et je vous dis à la semaine
prochaine pour un autre vendredi, tout est dit.